Un mauvais musicien n'entend pas ce qu'il joue.
Un bon musicien entend ce qu'il joue.
Un très bon musicien joue ce qu'il entend.
C'est avec ce dicton qu'on peut introduire cette page, puisqu'il résume très bien les propos qui vont suivre. Si vous ne le comprenez pas maintenant, vous le comprendrez à la fin de cette page.
Voici ce qu'il se passe dans la tête d'un bon improvisateur :
Décortiquons chacune de ces étapes.
Si vous êtes débutant ce sera certainement votre point faible. Vous pensez peut-être que
bien jouer un morceau c'est facile si chaque musicien connaît sa partie et la joue (sans
écouter les autres). Pas vraiment : il faut que les musiciens s'écoutent, ne serait-ce que
pour jouer en rythme. Et avec une très bonne écoute on peut créer une interaction, une émulation dans le groupe.
Plus concrètement, si la batterie joue subitement moins fort, vous avez intérêt de "la
suivre" (de jouer moins fort vous aussi) si vous voulez qu'il y ai une cohésion musicale.
Écouter les autres, c'est aussi moins s'écouter soi-même, ce qui est difficile au début.
Le but ultime est certainement d'arriver à se mettre mentalement à la place de l'auditeur tout en
jouant : c'est ce que font les bons musiciens.
Écouter, ça n'est pas seulement entendre, c'est bien plus. Une bonne écoute est indispensable à un bon musicien.
Même si ça peut paraître compliqué au début, ça n'est pas si ardu. Si vous devez siffler
(ou chanter), disons, “J'ai du bon tabac”, chanson que vous connaissez tous... Vous le
faites instinctivement, sans y penser, parce que vous connaissez la mélodie.
Vous pouvez aussi chanter cette mélodie dans votre tête. Il suffit de la penser, de faire
comme si vous la chantiez mais sans la chanter : vous l'imaginez chantée.
Quoi ?
Si ça vous paraît bizarre, sachez que c'est quelque chose que vous faites très souvent sans même le vouloir. Par exemple lorsqu'une musique vous "reste dans la tête" : vous vous la chantez intérieurement et c'est plus fort que vous.
Au début, lorsque vous improviserez, vous ne penserez pas forcément à chanter les notes avant de le jouer, vous vous laisserez plutôt guider par vos doigts. Ca n'est pas un problème, mais lorsque vous aurez gagné en maitrise de la guitare pensez à adopter cette méthode petit à petit car c'est ça le secret d'une bonne improvisation.
Pour jouer ces notes (que vous venez de vous chanter) sur un instrument, il reste une étape à franchir, et pas des moindre.
Il reste maintenant à jouer sur l'instrument les notes qu'on vient de se chanter dans la
tête (ou de chanter à voix haute).
Pas de chance si vous êtes guitariste : sur une guitare,
c'est un peu moins facile que sur un piano ou un saxophone par exemple, car la guitare n'est pas un
instrument “linéaire” : une même note peut se jouer à plusieurs endroits.
On doit donc connaitre l'intervalle qui sépare les cordes entre elles.
Un pianiste, par exemple, n'a pas ce soucis : les notes sont étendues linéairement devant ses
yeux, et il sait si il monte ou si il descend, et de combien.
Tout ça non pas pour dire que la guitare est plus dur que tel ou
tel instrument, mais que sur ce point, les guitaristes ne sont pas gâtés.
Pour une fois que nous les guitaristes sommes perdants, on ne va pas se plaindre.
Pour palier à ce problème, une petite astuce consiste à commencer à improviser sur une seule corde. Même si ça ne permet pas de jouer très vite, cette méthode est excellente au début, je vous la conseille vivement.
Voici un exercice très formateur pour travailler votre connaissance du manche :
prenez des mélodies simples que vous savez chanter de façon assurée, et jouez-les.
Quelques exemples de mélodies.
Ce sont pleins d'exemples vraiment nunuches, je sais, mais ces mélodies sont très simples
et facilement reconnaissables.
Vous travaillerez donc votre capacité à retranscrire sur le manche de la guitare des mélodies que vous
connaissez.
Si vous arrivez à retranscrire ces mélodies sur la guitare (ce qui prend en général beaucoup de temps),
alors vous avez gagné ! Vous pourrez ensuite retranscrire les mélodies que vous vous chantez dans votre tête.
La démarche de l'improvisateur, qu'on a décortiqué en 3 étapes et décrit en quelques lignes
représente le travail d'une vie. Ne pensez pas que vous en viendrez à bout en quelques
semaines ! C'est une démarche qui demande de la patience et de l'écoute sur soi-même.
Aussi, il est important de noter que l'instrument a forcément une influence sur le jeu
d'un musicien : un pianiste-guitariste n'aura pas exactement le même phrasé sur les 2 instruments.
On se laisse même parfois trop influencer par les réflexes digitaux.
Il est important donc de régulièrement retravailler
pas à pas les phases citées, c'est a dire :
Et ça n'est pas facile.
Si vous pensez que vous improvisez bien, enregistrez-vous et écoutez-vous... vous verrez
sans doute qu'il vous reste du travail.
Si vous n'avez pas de matériel pour vous enregistrer, achetez-vous en un si vous en avez
les moyens. Je vous conseille en particulier les pédales de loop
(voir la page Pédales de loop).
Celle que je possède est la LOOP STATION RC-2 de BOSS, et j'en suis extrêmement satisfait.
C'est bien mieux que tous les playbacks, puisque vous vous ferrez le votre (ce qui vous
fera travailler l'accompagnement).
La mélodie qu'on se chante dans la tête, le musicien et pédagogue Jacques Siron appelle ça la "partition
intérieure" : c'est en quelque sorte une partition qu'on écrit instantanément dans sa tête.
La partition intérieure est d'ailleurs le nom d'
un livre de Jacques Siron
(le terme "partition
intérieure" a été développé initialement par Jean-Louis Chautemps et François Jeanneau).
En résumé :
Un mauvais musicien n'entend pas ce qu'il joue.
Un bon musicien entend ce qu'il joue.
Un très bon musicien joue ce qu'il entend.
Ce que nous avons vu dans cette page est une façon d'analyser et de comprendre le processus d'improvisation.
Quelque soit votre niveau en improvisation, cette lecture vous fera avancer. Mais le plus important, ça reste de jouer.
Dit autrement : cette page prend tout son sens uniquement lorsqu'elle est associée à la pratique de l'improvisation... A vos guitares !
C'est en improvisant qu'on apprend à improviser.