Dans cette page je vais vous proposer une façon d'aborder le jeu en "ligne de basse + comping" qu'on appelle parfois "jeu à la Joe Pass" en référence à la technique qu'il utilisait pour accompagner Ella Fitzgerald. Joe Pass n'utilisait pas cette technique "comping+ligne de basse" en permanence, il la réservait pour certains passages ou certains tempi (That Old Feeling, Slow Boat to China, You took advantage of me...). Voici ce que ça peut donner.
Une version de Joe Pass avec Ella Fitzgerald, puis de moi avec la chanteuse Sarah Kennedy.
Sachez aussi qu'une formation complète est consacrée à ce sujet ici :
L'accompagnement à la Joe Pass
Voici le plan de cette page.
L'accompagnement à la Joe Pass est parfait pour accompagner chanteurs, solistes... Et ce qui tient vraiment la
pulsation et le swing du morceau c'est la ligne de basse. Elle doit être la plus proche possible du son des contrebassistes.
Pour cela, quelques suggestions. L'attaque doit être faite au pouce (son doux) et l'attaque franche, pour
simuler le pizzicato de la contrebasse. Le son de chaque note doit être tenu jusqu'à la note d'après, donc ne pas
être relâché à la main gauche. Et enfin, si on veut accentuer l'effet "contrebasse" on peut étouffer légèrement
les cordes graves avec la paume de la main droite. Rien que ça.
Voilà le son que ça doit donner.
Maintenant parlons des notes ! Quand on n'est pas bassiste on ne sait pas vraiment quelques notes choisir pour nos
lignes de basse. Pourtant en principe c'est assez simple : il faut faire de belles mélodies en utilisant les notes
des accords (arpèges) aux moments importants, en début de mesure notamment.
Pour travailler ça nous allons prendre un Gm7. Voici une ligne de basse possible.
Le plus important dans toutes ces infos que je viens de vous donner c'est le son que vous aurez avec cette ligne de
basse et pas tant les notes. Si votre ligne de basse a un bon "drive" donc un bon son et une parfaite régularité le
morceau va "avancer" et c'est ça le plus important, peu importe les notes.
Pour travailler nos lignes de basse, l'idéal serait d'être accompagné par un petit riff et un léger clic de métronome.
Ça tombe bien, j'ai fait ça tout spécialement pour vous ! Le fichier est disponible juste là et même téléchargeable au
cas où vous souhaitiez le mettre en boucle (clic droit puis "enregistrer la cible du lien sous").
Voici un exemple de ligne de basse sur ce riff (son non étouffé cette fois-ci pour changer de timbre et aussi simplifier un peu).
Le rôle principal du contrebassiste en jazz, c'est de "driver" le morceau et c'est ce qu'on essaie de faire avec nos lignes de basses. Quand Joe Pass utilise cette technique, on sent que l'énergie monte d'un cran (un peu comme quand on passe une vitesse en moto). Si vous souhaitez avoir encore plus d'infos sur le choix des notes et les walking bass en général, il y a une page qui parle exclusivement de ce sujet, c'est Le jazz : la walking bass. Voilà. Vous n'avez plus d'excuse.
Rajoutons du comping à cette ligne de basse. Le comping c'est un accompagnement improvisé rythmiquement et joué par les
pianistes ou guitaristes pour faire sonner les accords du morceau.
Comme jouer basse + comping sera techniquement difficile, on va surtout chercher à faire des rythmes efficaces et pas trop
compliqués. Et ça tombe bien, il y en a plein en jazz !
En voici un premier :
Le premier son est tenu longtemps, et le deuxième est piqué (non tenu). Maintenant, avec la ligne de basse.
Ca, c'est le gros du travail. Remarquez que les phrasés des compings et walking bass sont différents et c'est d'ailleurs ça qui fait que ça sonne bien : on a presque l'impression qu'il y a deux instruments. Prenez le temps de décomposer le mouvement, lentement comme ci-dessous.
Le premier son du Gm7 doit être tenu et résonner longtemps. Il est joué en même temps que la
première note de la ligne de basse, et résonne encore lorsqu'on joue la deuxième.
Ensuite, le deuxième Gm7 est piqué. On piquera les aigües en reposant les doigts de la main
droite sur les corde, pour les taire. Si on faisait ça en relâchant la pression à la main gauche
on perdrait aussi la résonance de la basse (dans les cas où c'est le même doigt qui joue basse et comping avec un barré).
C'est un exercice très difficile, donc pas de panique si ça prend du temps, c'est normal.
Voici 4 rythmes que je trouve simples et efficaces pour le comping. Celui qu'on a travaillé est le 4ème (et celui du riff plus haut
le 3ème).
C'est à vous de passer du temps à essayer de jouer ces compings en même temps que des lignes de basse. C'est d'ailleurs
quelque chose que je ferai bien plus en détail dans les vidéos qui sortiront sur ce sujet.
Voici des exemples de ces compings avec des lignes de basse diverses. Le premier est le plus simple.
Il ne faut pas chercher très loin : on va jouer les notes importantes des accords pour le comping (tierce + septième avec éventuellement 1 enrichissement) et la fondamentale sur le premier temps à la basse. Voici des exemples sur diverses cadences.
Le choix des enrichissements se fera en fonction de la qualité des accords (7, m7, Maj7...) et de leur rôle ou de la "fonction"
(accord 7 qui résout un demi-ton plus bas ? Une quinte plus bas ?). Je ne détaille pas ça ici car j'en parle dans la quasi-totalité
des formations et pages du site qui parlent de jazz, soit en évoquant les modes/gammes qu'on utilisera en improvisation
soit en parlant en termes de "9ème, 11ème et 13ème" dans les accords.
Lorsqu'on joue dans ce style, la facilité des doigtés qu'on utilise est un paramètre essentiel : on va tout faire pour choisir
des positions d'accords faciles à jouer et qui nous laissent des doigts libres pour faire les lignes de basse, comme c'est le cas
dans les exemples ci-dessus. On va même parfois modifier légèrement les qualités des accords pour en faciliter les doigtés.
Aussi, pour que la grille sonne il faut absolument faire entendre les accords lorsqu'ils changent et ne jamais lâcher le drive
de la basse. Remarquez que pour l'exemple ci-dessus Dm7 G7 CMaj7, je ne fais entendre le CMaj7 que brièvement sans le rejouer
ensuite, et ça ne gêne pas.
Si vous faites ces exercices (et ceux qui viennent plus bas) un peu sérieusement vous allez commencer à maitriser cette
technique et indubitablement faire sonner ça à votre manière, avec votre patte personnelle. Et ça c'est chouette, évidemment.
Certes c'est chouette mais il ne faut pas oublier quelque chose d'important : les contrastes ! Ce type d'accompagnement à la
Joe Pass ne doit pas sonner systématique, c'est à dire avec toujours le même motif de comping par exemple. Voici un
exemple de comping beaucoup trop répétitif et avec un rythme de comping joué trop fort.
Et maintenant la "bonne" version ?
Haaa ! C'est mieux, plus varié donc moins lassant.
Travailler cette technique fait partie des exercices très difficiles à la guitare, vous avez dû vous en rendre compte en essayant les exercices
de cette page. Un peu de méthode de travail nous fera donc beaucoup de bien ! Voici quelques idées d'exercices qui devraient faire
de vous un Joe Pass Junior ou presque.
Travailler très lentement des exercices simples sur 1 ou 2 mesures comme ceux proposés plus haut. En ayant un bon son,
une technique qui vous apporte du confort et en respectant la tablature à la lettre.
Entraînez-vous à improviser des lignes basses par dessus une loop qui contient des accords plaqués sur les temps. Vous vous
habituerez à choisir les bonnes notes, avoir le bon son de basse et le bon drive. Inspirez-vous de vos contrebassistes préférés
(conseils supplémentaires en fin de page).
Faites tourner 1 seul accord (Dm7 sur So What par exemple) et essayez de tenir la pulsation et de faire du comping en même
temps. Faites-le lentement bien sûr, et à chaque fois que vous vous "plantez", respirez 5 secondes puis... Repartez !
Jouez les études proposées plus bas dans cette page en les apprenant par cœur et aussi en les analysant : quel est le rythme
de comping utilisé ? Les notes de basse ? Les enrichissements par rapport aux accords affichés ?
L'étape ultime : jouez un standard entier avec cette technique, quitte à travailler sur une version presque écrite et pendant
plusieurs mois. C'est quand même la raison pour laquelle on a fait tous ces efforts, non ?
Comme je le dis souvent dans mes cours, le plus stimulant et d'avoir un but final clairement défini. L'idéal c'est donc de travailler cette technique dans le but d'accompagner un chanteur, un soliste. C'est ce que faisait Joe Pass avec Ella Fitzgerald, et Tuck Andress avec Patti Cathcart.
Il est bon de rappeler que comme ce style est très difficile à jouer, la version dite "intermédiaire" est quand même assez difficile :
n'espérez pas maîtriser ces études en un jour. Ça prend du temps, et c'est normal.
Aussi, sous ce format écrit je ne peux pas montrer toutes les astuces digitales qu'il y a : on va essayer de se libérer un maximum
de doigts pour jouer facilement les accords, ou même choisir des doigtés qui nous permettront de jouer plus facilement
l'accord qui vient après. Tout cela sera bien sûr abordé dans les futures vidéos à ce sujet.
Si vous souhaitez approfondir ce style de jeu, la première chose à faire est d'écouter des guitaristes qui accompagnent de
cette manière : Joe Pass, Tuck Andress, Martin Taylor (et il y en a certainement de très nombreux autres, contactez-moi pour me les faire connaitre).
Ensuite, il y a une méthode que je trouve très bien faite et qui m'a énormément aidé à progresser et à comprendre ce style
de jeu, c'est la méthode vidéo (et PDF) de Tuck Andress : "Fingerstyle mastery". L'approche pédagogique de Tuck est bien
faite, il y a plein d'exemples filmés (et en partitions et tablatures) qui illustrent ses propos, et des exercices progressifs pour
appliquer cette technique de jeu (et d'autres plus percussives et groove aussi).
Aussi, si vous souhaitez améliorer vos lignes de basse il faut en écouter et en repiquer. Et comme c''est très difficile à faire
quand on n'est pas habitué, il existe des recueils de relevés, je pense notamment aux volumes 1, 3 et 15 de Jamey Aebersold dont les lignes de
basse ont été relevées intégralement : "Rufus Reid bass lines" et "Ron Carter bass lines". Attention, c'est noté en partition et en clé de Fa.
Il y a aussi la page Le jazz : la walking bass de
mon site à ce sujet, mais mes lignes de basse ne valent pas celles de Ron Carter (malheureusement).
J'espère que cette page vous aura bien motivé à progresser dans ce domaine et cette technique. Pensez à me suivre sur Youtube et Facebook et à me faire un don si cette page vous a bien aidé. À vos guitares !