Dans cette page nous allons voir ce qu'est une "walking bass" et comment en jouer une (en s'entraînant par exemple sur les playbacks de la playlist
No Bass faite par le site). Même si vous n'êtes pas à priori
intéressé par le jazz ou par la basse vous apprendrez pas mal de choses en lisant cette page, ne serait-ce qu'en se
mettant dans la peau d'un bassiste. Pour bien attendre les lignes de basse des fichiers audio, munissez-vous d'un casque ou d'une bonne paire d'enceintes.
Voici le plan de cette page.
La "walking bass", la "basse qui marche" est une ligne de basse qui consiste à jouer tous les temps en créant une mélodie. Plus concrètement, le bassiste qui fait "une walk" joue des mélodies en noires.
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Je parlerai de "bassiste" dans cette page, mais traduisez "bassiste ou contrebassiste". Les fichiers audio sont enregistrés à la basse électrique vu que je ne joue pas de contrebasse. Le son convient, même si c'est moins typique que la contrebasse en jazz.
En jouant toutes les noires, le bassiste (ou contrebassiste) impose le tempo au groupe qui doit l'écouter pour le suivre. Au
contraire, en rock, on écoute plutôt le batteur pour se caler sur le rythme. En jazz, plutôt le bassiste.
En jazz, le bassiste tient le tempo du groupe, et les autres membres du groupe jouent souvent un peu derrière, c'est-à-dire qu'il
donnent la sensation (subtile) de jouer un peu en retard. Le bassiste ne doit donc pas se laisser "aspirer" et doit garder le tempo,
sans jamais ralentir (un bassiste qui ralentit fait ralentir tout le groupe).
Par opposition avec les autres membres du groupe, on a
donc la sensation que le bassiste tire tout le groupe : on parle de "drive". C'est souvent cette tenue du tempo,
ce "drive" qui caractérise un bon bassiste.
En fonction du tempo, cette sensation peut varier (les membres d'un groupe joueront plus "sur le temps" dans des tempi élevés par exemple).
Avant de jouer des notes, il faut savoir une dernière chose : pour choisir ses notes, le bassiste ira les piocher en premier lieu dans les arpèges
d'accords. Ce sont des notes qui sonnent bien et qui font clairement entendre l'accord.
Et pour faire encore plus clair, à chaque début de mesure il jouera la fondamentale de l'accord suggéré.
Un exemple sur un seul accord.
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Comme vous voyez, ça le fait. Le rythme simple des noires est assez efficace (si le drive est bon).
Euh, j'entends pas bien les notes, c'est normal ?
Si vous avez un bon système de sono (casque ou enceinte) vous devriez très bien entendre la basse (bien plus que sur un morceau quelconque car je l'ai sur-mixée). Cependant, quand on n'est pas habitué il est difficile d'entendre précisément les notes que joue une basse : notre oreille n'est pas très performante pour déceler les basses fréquences (les notes graves). C'est donc à force d'écouter les basses dans les morceaux que vous arriverez à mieux entendre les notes qu'elles jouent. Et vous pouvez me croire, c'est très utile !
Dans le fichier audio précédent ça le fait, mais on peut s'améliorer : on tourne vite en rond avec si peu de notes. On pourra donc rajouter des notes issues de la gamme sous-entendue par l'accord, ici La Dorien.
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On aurait aussi pu choisir La mineur naturel, mais en jazz on joue le mode dorien par défaut sur les accords m7.
C'est déjà bien mieux, on se sent un peu moins restreint puisque cette gamme nous apporte beaucoup de nouvelles possibilités mélodiques.
Vous avez remarqué que j'ai parlé d'arpège d'accord et de gamme sans même rappeler leurs positions : si vous ne connaissez pas ces
positions vous n'irez pas bien loin, donc passez du temps à les apprendre (c'est tout expliqué ici, à la page Arpéger tous les accords : le système CAGED).
Maintenant, jouons sur une mini-grille : 3 accords. Voici la grille en question.
Am7 | D7 | GΔ | % |
Et voici un exemple de walking bass. Passez beaucoup de temps à analyser toute la ligne de basse. Pour votre confort, le fichier audio est téléchargeable.
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Maintenant voyons un peu plus loin, et servons-nous de la théorie pour mieux construire nos lignes de basse.
Les notes de début de mesure sont importantes, les autres moins. Si on devait les hiérarchiser, on pourrait dire que la plus importante est la première noire. La deuxième note la plus importante est la troisième noire, et les 2ème et 4ème noires sont moins importantes. On peut donc jouer des notes un peu "fausses" sur les 2ème et 4ème temps (par exemple des chromatismes).
On peut étendre cette hiérarchie des temps forts en disant que si un accord dure 4 mesures, la première note de la première mesure est très importante. Puis vient la première note de la troisième mesure, puis les premières notes des 2ème et 4ème mesures, et enfin les notes sur les 2ème et 4ème temps de chaque mesure.
Entre deux notes séparées par un ton, on peut jouer celle qui est au milieu : c'est un chromatisme. Vous avez dû le comprendre, le
chromatisme marchera d'autant mieux qu'il est bien placé, c'est-à-dire sur un temps faible, puisque la note du chromatisme est "fausse".
On peut aussi anticiper n'importe quelle note chromatiquement (par le dessus ou le dessous) à condition qu'on arrive dessus au
bon moment et que ça sonne bien. Et ça, c'est votre oreille qui vous le dit.
Voici un exemple de walking bass avec des chromatismes.
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On peut aussi prendre encore plus de liberté, en allant loin dans les chromatismes ou en ne jouant pas forcément la fondamentale des accords au moment où ils arrivent.
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Mais c'est n'importe quoi, on n'entend plus du tout la grille de base !
En effet, on est allé loin par rapport à la grille initiale, et avec une ligne de basse comme celle-ci on entend moins clairement les
accords.
Prendre autant de liberté sur une grille peut faire découvrir de très belles sonorités. Cela peut aussi très bien donner "n'importe quoi".
Et ce qui doit trancher c'est votre oreille. Si vous trouvez cette dernière ligne de basse trop tarabiscotée, ne vous y intéressez pas.
Revenez sur cette page plus tard, votre oreille trouvera peut-être ça intéressant.
Plutôt que de jouer systématiquement des noires, on peut varier un peu le rythme de la walking bass. Un peu mais pas trop, pour ne pas trop casser le drive que la ligne de basse insuffle au groupe.
On peut rajouter des croches de temps en temps. Voici comment on joue souvent ces croches.
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On peut aussi jouer des triolets. De la même manière qu'avec les croches, il faut les utiliser avec parcimonie.
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On peut jouer des blanches de temps. Par exemple, sur un tempo moyen (130-140bpm), on pourra passer de temps en temps "à la blanche" c'est-à-dire en jouant des blanches. Ça donne un effet de léger ralenti, et ça sonne parfois traditionnel (new orleans, fanfares). C'est excellent pour aérer la ligne de basse. Dans le jargon on dit "two feel" (en français "à la blanche").
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On peut aussi jouer les blanches sur les 2ème et 4ème temps des mesures, ce qui donne un effet plus suspensif. Par exemple sur un accord tenu longtemps, ça peut très bien marcher. Ça marche aussi à merveille pour relancer une grille.
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On peut aussi faire des variations harmoniques en substituant certains accords, c'est à dire en les remplaçant par d'autres. Par exemple, Am7 D7 GMaj7 peut être substitué par Am7 Ab7 GMaj7 (c'est ce qu'on appelle une substitution tritonique... plus d'infos à la vidéo La substitution tritonique).
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Là encore c'est à utiliser avec bon escient, car ça sonne assez vite dissonant.
Avant de faire une walking bass sur un morceau entier, voici une walk qui contient quelques erreurs. Elles sont assez subtiles, mais si vous avez bien compris les propos de cette page vous saurez vite les repérer.
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Vous remarquerez que cette ligne de basse ne "chante pas très bien", c'est-à-dire que la mélodie qu'elle décrit n'est pas très belle en soi. Et c'est aussi pour ça que cette ligne de basse n'est pas top.
Vous venez d'observer quelque chose de très important : la meilleure façon de faire sonner une ligne de basse, c'est de la chanter dans votre tête !
Pour finir, voici une walking sur la grille entière d'un standard : All Of Me. Cette fois-ci, vous pouvez télécharger le fichier audio ET le fichier au format gp5.
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Pour vous entraîner à la walking bass ou même à la basse dans d'autres styles, allez faire un tour dans
la playlist Youtube No Bass conçue pour ça. Vous y trouverez
du jazz, de la funk, du blues, du rock... Avec batterie et guitare, mais sans basse.
En guise de conclusion, voici quelques bassistes et contrebassistes à écouter :
Ron Carter, Ray Brown, Christian McBride, Paul Chambers, Steve Swallow, Dave Holland, Gary Peacock, Anthony Jackson, Marcus Miller, Jimy Garisson, Jaco Pastorius.
N'hésitez pas à écouter ces bassistes et à repiquer leurs lignes de basse si cela vous intéresse. Vous pouvez aussi écouter les contrebassistes
de Django Reinhardt, pour une première approche de la walking bass c'est très bien.
Pour finir, j'aimerais remercier mon ami bassiste Yannick qui m'a aidé pour la rédaction de cette page.