Dans cette page nous allons voir pas mal d'astuces pour bien improviser dans un style funk. Pas la funk de James Brown où les soli de guitare sont peu présents mais la "funk guitaristique" qui est mélangée au blues, au rock, au hip-hop... Pour citer quelques noms : Scott Henderson, John Scofield, Wayne Krantz, Robben Ford, Guthrie Govan, Alex Hutchings.
Je vais donc vous présenter les points que je trouve essentiels pour bien sonner en funk lorsqu'on improvise.
Et c'est en grande partie basé sur mon expérience avec mes élèves : les points sur lesquels j'insiste beaucoup dans cette page sont
souvent les points à travailler pour la plupart des guitaristes qui aiment cette musique et ce style de jeu.
Voici la structure de la page.
La funk est un style où le rythme joue un rôle important. Par-dessus le débit de doubles-croches joué par le charleston de la batterie on trouve des rythmes souvent basés sur les 2èmes et 4èmes doubles-croches, donnant un effet de suspens typique. Parfois un peu difficiles à jouer avouons-le.
Les breaks et les phrases joués par les soufflants accentuent souvent ces effets de suspens qu'on adore en funk. Par exemple, dans cette tourne de batterie classique c'est le deuxième coup de grosse caisse qui est anticipé.
Je pourrais parler des heures des rythmes qu'on retrouve en funk, des lignes de basse typiques, des décalages de grosse
caisse ou de caisse claire des batteurs... c'est passionnant. Mais nous, ce qui nous intéresse dans cette page c'est de bien improviser sur de la funk !
Allons droit au but.
Le problème souvent rencontré par les guitaristes qui improvisent pour la première fois sur cette musique c'est de ne pas arriver à suivre le débit de
doubles-croches. La funk est en général basée sur un débit de doubles-croches et c'est ce qui fonctionne dans les
rythmes qu'on utilise pour nos impros. Cela veut donc dire qu'on va jouer beaucoup de doubles-croches, certes, mais plus
précisément des rythmes qui font entendre ces doubles croches... Notamment ces fameuses doubles-croches "en l'air" c'est
à dire les 2èmes et 4èmes doubles-croches.
Pour ressentir tout ça, voici des cocottes que vous pouvez jouer sur ce playback en Do dorien. Les premières sont courtes et bien sur les temps, les dernières sont plus subtiles rythmiquement car elles sont basées les 2èmes et 4ème doubles-croches.
Ci-dessous la vidéo du playback avec les accords affichés. Sachez aussi qu'il existe une playlist "Groove / Funk" sur la chaine Youtube du site. Elle contient des dizaines de Backing Tracks qui vous permettront de vous entraîner à l'impro.
Vous pouvez vous servir de ces cocottes comme base pour une improvisation. Voici un exemple d'improvisation où je commence par un jeu assez aéré (comme pour une cocotte).
Pour résumer, il faut au moins savoir jouer un débit de doubles-croches pour sonner funk. Ça sous-entend un travail technique de rapidité évidemment, à faire sur des playbacks pas trop rapides pour vous ! Rapeller-vous qu'on va aussi privilégier les notes "en l'air" des doubles-croches, sans rien exagérer non plus. Commencez vos phrases sur ces doubles-croches en l'air par exemple !
"Trinaire" ? Ah non mec tu t'es trompé, trinaire ça existe pas.
Comme je le disais la funk est souvent basée sur un débit de doubles-croches. Binaire donc (le temps est coupé en 2, ou en 4 plus exactement).
Seulement, on peut très bien retarder un peu les 2èmes et 4èmes doubles-croches sans toucher à la 3ème (celle du contre-temps).
Ça fera donc "swinguer" ces doubles-croches, chose qu'on retrouve beaucoup dans les débuts du hip-hop (notamment avec les
boites à rythmes et leur bouton "shuffle").
Et ça, ça s'appelle du trinaire. On dit aussi "groove" mais c'est un terme beaucoup plus large et moins précis.
Voici notre tourne de batterie préférée, en binaire puis en trinaire.
Ce qu'on peut faire pour bien ressentir le trinaire, c'est de le jouer pardi ! Prenons par exemple les cocottes précédentes et jouons-les en trinaire.
Vous allez sans doute voir que la tâche est plus ardue que dans le paragraphe précédent car on a un nouveau paramètre à maîtriser : ce fameux retard des doubles-croches. N'hésitez pas à le travailler lentement (jusqu'à 70 bpm environ) pour l'intérioriser. Si vous avez écouté peu de hip-hop dans votre vie ça pourra prendre beaucoup de temps, soyez patient. C'est un peu comme le swing en jazz ou le shuffle en blues.
Voici maintenant une improvisation sur cette tourne en trinaire.
Parlons maintenant des notes. La funk (tout comme la soul) est extrêmement influencée par le blues au niveau des mélodies.
On va donc pouvoir utiliser toutes les gammes du blues (enfin surtout la gamme blues) pour jouer de la funk. Et on pourra rajouter
les notes du mode dorien si on est dans une tonalité mineure, et du mode mixolydien si on est dans une tonalité majeure.
En résumé et sous forme de tableau :
Contexte tonal | Gammes adaptées |
majeur (ex. C7) | gamme blues + Mode mixolydien |
mineur (ex. Cm7) | gamme blues + Mode dorien |
Afficher les diagrammes de ces gammes
Ce tableau sera parfait pour une impro basée sur un seul accord (ou un II V, très courant en funk) mais il faudra
évidemment l'étoffer pour improviser sur une grille plus complexe comme celle de
The Chicken par exemple. En fonction du
contexte et de nos goûts, on insistera plutôt sur les notes de la gamme blues ou plutôt sur les enrichissements qu'on trouve
dans les modes mixolydien ou dorien (2M, 11j et 13M). Ce qui est certain c'est que ce qui tranchera au final sur la question
"quelle gamme utiliser" c'est notre oreille. Autant l'habituer à se former à ces sonorités funk en écoutant beaucoup cette musique,
notamment les guitaristes cités au début de cette page.
Voici 2 impros repiquées dans des contextes rythmiques un peu différents.
La première sur le backing track en Do dorien. Binaire et mineur (Cm7).
Afficher le relevé en tablatures
Et le deuxième, trinaire et en La mineur (Am7), disponible ici sur Youtube.
Afficher le relevé en tablatures
Improviser sur de la funk ressemble pas mal à de l'impro sur un blues lorsqu'on parle des gammes. Vous pourrez quand même prendre plus de libertés qu'en blues, c'est à dire vous arrêter sur des notes riches (9M, 13M)... mais pas trop non plus pour ne pas sonner trop jazz. Et si vous êtes encore avide d'information, la formation gratuite Que jouer sur un accord 7 ? vous plaiera.
Jouer la gamme blues en noires et "droite" (c'est à dire sans effet) ne vous fera pas sonner très funk. Il faudra avoir un bon son, faire des variations d'attaques, décaler les choses rythmiquement... Tous ces petits trucs qui font que ça sonne ne sont pas toujours faciles à déceler et à expliquer. En voici quelques-uns.
Pour les soli on aime bien avoir une petite voire une grosse saturation. Le son qui ira pour les rythmiques funk (son clair claquant
avec peu de médium) ne conviendra pas trop. Il faut que le son soit plutôt "rond", "chaud" avec quand même un peu de claquant;
et plus ou moins de disto en fonction de vos goûts. Une guitare type Stratocaster fera parfaitement l'affaire.
Aussi, optez pour une
pédale avec une belle saturation plutôt qu'une pédale multi-effet, surtout si vous avez une bonne guitare et un bon ampli.
En voici quelques-unes pas mal utilisées. À vous d'aller les tester en magasin !
Je remarque souvent que les guitaristes ne savent pas bien trouver un "bon son" avec leur guitare. Et ça m'arrive régulièrement d'en faire partie. Quelques conseils simples pour y arriver :
En appliquant ces conseils ce sera plus simple de trouver un bon son. Mais peut-être que votre matériel vous en empêchera (s'il est
vraiment mauvais). De mon expérience ça n'arrive pas souvent.
Sachez aussi que le son vient énormément des doigts et de toutes les subtilités de tenue des notes, étouffements, attaque du médiator,...
Si je faisais essayer ma guitare à John Scofield, je serais probablement agacé de voir que le son qu'il en sort est bien meilleur que le mien !
Les effets de jeu sont omniprésents en funk, tout comme en blues ou en rock. Slides, vibratos, notes étouffées ("ghost notes"), bends, liés... Il faut en abuser, ils donnent un jeu très expressif et un peu maniéré qui va parfaitement sur de la funk. Voici un exemple d'impro où j'insiste bien sur ces effets.
Les nuances aussi sont essentielles. Ici il ne s'agit pas tellement de nuances sur un passage musical entier de plusieurs mesures, mais
plutôt sur quelques notes : on va souvent alterner entre des notes "chuchotées" et des notes jouées bien franchement pour presque
faire "crier" la guitare. En guise d'exemple, le solo ci-dessus !
Pour incorporer ces effets et nuances à votre jeu, pas de secret : il faut vous faire des séances "slides", des séances "bends", des séances
"chuchotements"... Quelques minutes, pas plus, mais un peu chaque jour. Au bout d'une semaine à peine ces effets ressortiront naturellement dans vos impros.
Cette analyse de style et ces conseils sont assez simples à comprendre. Mais pourtant, dans chaque petit exercice sous-entendu par ces conseils réside un monde musical ! Il suffit par exemple à B.B. King ou à Scott Henderson d'un seul bend pour qu'on le reconnaisse ! À Django Reinhardt d'un seul vibrato ! C'est pas fou ça ?
Faites-vous des exercices simples pour incorporer tout ça à votre jeu, en travaillant régulièrement et en vous focalisant sur votre plaisir à le faire.
Parce que vous êtes des boulimiques de l'impro funk, tout comme moi, voici encore d'autres suggestions pour bien sonner.
Les dissonances bien placées aident souvent à bien groover. Les jeux de John Scofield et Wayne Krantz illustrent ce propos à merveille. Vous pouvez par exemple trouver ces dissonances ou ces sons "râpeux" ou "un peu faux" dans les intervalles, joués mélodiquement ou harmoniquement (= en même temps). Les secondes mineures et majeures fonctionnent bien. Le triton aussi. Illustration sonore sur C7 (backing track disponible ici sur Youtube).
Pour le plaisir, une autre illustration sonore. Attention ça rigole pas... Whippersnapper de Wayne Krantz (live).
Même si dans l'apprentissage de l'improvisation on commence en général par s’entraîner à jouer bien en rythme, c'est très sympa de tordre un peu le rythme pour créer des tensions. On peut donc simplement essayer de sortir un peu du débit régulier des doubles croches en le faisant au feeling, à la one again, pour ensuite retomber dans la pulsation. Tous les bons improvisateurs font ça en permanence sans même l'intellectualiser. Voici un exemple d'impro où je sors de la pulsation et y revient plusieurs fois de suite. Plutôt cool, non ?
On peut tout aussi bien se décaler plus subtilement de pulsation, par exemple en "jouant derrière" c'est à dire un peu en retard de la pulsation. Tout la difficulté réside à garder le léger retard qu'on prend par rapport à la pulsation. Dans ce extrait je joue bien sur la pulsation puis un peu derrière (ou "laid back") pour ensuite revenir sur le temps, en cela plusieurs fois de suite.
Ce jeu laid back n'est pas si courant que ça en funk mais il fonctionne plutôt bien à des tempi assez lents (autour 80 bpm).
Allez voir la vidéo Jouer devant/Jouer derrière (pour groover) où je parle exclusivement de ça !
Et en jazz, on joue souvent laid back (voir la page L'improvisation jazz).
Vous pouvez aussi bien jouer un poil devant pour donner la sensation de "pousser" la pulsation, comme le fait souvent Wayne Krantz
(voir Whippersnapper un peu plus haut). Pour que ça fonctionne ce doit être assez subtil. Voici un exemple sonore, sur un tempo plus rapide.
Ces conseils en vrac peuvent se résumer en une courte phrase : Faire vivre son jeu. Harmoniquement comme mélodiquement. Tordre un peu les choses pour les faire revenir dans l'ordre. Et pour y arriver, ça n'est pas très compliqué : il suffit juste d'OSER le faire sans se poser d'autre question que "est-ce que ça sonne ?". Si la réponse est oui, bingo !
Maintenant voici encore d'autres improvisations où je prends encore plus de libertés rythmiques et harmoniques.
Une première sur le playback en Do dorien.
Et une dernière sur une tourne modale mielleuse à souhait. 4 accords : CΔ EΔ FΔ DbΔ. Le playback est téléchargeable à la page Backing Tracks gratuits.
Il existe malheureusement peu de bonnes méthodes de funk accessibles à ma connaissance. Une que je trouve assez bien faite est Learn Funk Guitar du guitariste de Tower of Power, Jeff Tamelier. Il y a plein d'explications (en anglais) très utiles et intéressantes, et des exemples sonores de qualité.
Une autre que je connais depuis plusieurs années et que je trouve excellente sur tous les points est celle de Peter O'mara, A rythmic concept for funk/fusion guitar. Ça n'est pas vraiment une méthode mais plutôt un recueil de compositions funk variés dans les styles et dans la difficulté. Il n'y a pas de tablature mais les morceaux sont vraiment top et les playbacks joués par des musiciens qui groovent bien comme il faut ! Avec en plus à chaque fois une version jouées du morceau par Peter O'Mara (qui envoie du lourd). Vous trouverez plein d'infos sur cette méthode à la page Livres et références pour progresser en guitare du site.
Évidemment, il y a aussi les formations de ce site qui vous intéresseront probablement, je pense notamment aux vidéos Les rythmiques funk,
Faire un solo qui groove, The Chicken et Sunny Sun. Et pour un morceau funk facile
il y a la formation Put it where you like !
Sachez qu'il existe aussi une playlist de funk à la page Découvrir de la musique.
Et enfin vous trouverez des tournes et des playbacks de morceaux entiers dans la playlist
"Groove / Funk" sur la chaine Youtube du site.
De quoi passer des heures à bosser le groove derrière votre écran !
Pas évident de trouver des morceaux funk faciles pour se lancer. Vous pouvez déjà passer pas mal de temps à improviser sur les playbacks Youtube cités précédemment. Cela dit, voici quelques morceaux faciles autant pour le thème que pour l'impro (mais pour des raisons de droits d'auteurs, ce sera à vous de trouver les tablatures des thèmes).
J'espère que toutes ces infos vous auront fait faire un pas de plus dans le monde de la fffffunk. Passez du temps à jouer pour appliquer tous ces conseils, et surtout régalez-vous ! Moi je me suis régalé à rédigeant cette page.