Dans cette page nous allons aborder tout ce qui est propre au langage jazz et à ses
phrases : les rythmes, les effets, les approches chromatiques... Tout ce qui fait que ça
sonne jazz (ou pas). Et nous parlerons peu des gammes car c'est déjà le cas
dans d'autres pages et vidéos de ce site.
Nous allons faire comme si nous découvrions ce style petit à petit, en améliorant nos
improvisations au fur et à mesure des exercices. Voici le plan de cette page :
On peut commencer l'improvisation jazz en jouant la gamme majeure sur une anatole
(cadence I VI II V) ou sur un accord Maj7 statique. Eh oui, la gamme majeure est très utilisée en jazz.
Un des prérequis est évidemment de connaître la gamme par cœur (dans l'idéal au point
de savoir improviser dessus sans regarder le manche... ce qui n'est pas si compliqué que
ça si vous osez essayer).
Jouons cette gamme entre les cases 7 et 10, jouons-la dans l'ordre puis improvisons avec,
sans accompagnement.
Maintenant, sur un playback à 140 bpm dans la tonalité de Do majeur (attention aux oreilles, j'ai fait exprès de faire un combiné des erreurs courantes lorsqu'on débute).
Bon. Il y a de la marge de progression.
Pour vous entraîner à improviser sur l'accord CMaj7 c'est
ici, ou
ici (accompagnements légèrement différents),
ou à 110 bpm, ou encore
avec un rythme bossa, ou
avec un rythme de ballade.
Nous allons commencer par travailler la capacité à faire des phrases (séparées par des
silences ou des respirations donc) et à travailler les dessins de nos phrases.
Dans l'impro précédente je jouais presque en permanence. Pour pouvoir apprécier ce qu'on fait et le faire apprécier à nos auditeurs c'est important de faire des phrases de quelques notes (5-6 par exemple) et entre ces phrases des respirations : silences ou notes tenues. Cela nous permettra d'apprécier la phrase que l'on vient de jouer, et c'est très important. Pour que l'exercice soit facile nous allons commencer par le faire sans accompagnement, lentement.
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Mieux ! Maintenant parlons du "dessin des phrases". Si on représente avec une courbe la hauteur des notes jouées dans nos improvisations, on obtient des montées et descentes douces lorsqu'on monte simplement la gamme (mélodies conjointes) et des cassures brusques lorsqu'on fait un saut de note (grands intervalles).
Il faut donc trouver un équilibre entre ces mélodies conjointes et ces grands intervalles. Ce que j'ai souvent tendance à dire, c'est que pour casser la monotonie des mélodies conjointes il est bon d'y intercaler quelques grands intervalles ou encore de jouer des bouts de gammes brisées (non pas Do Ré Mi Fa Sol mais Do Mi Ré Fa Mi Sol Fa...). Ça correspond bien au dessin des phrases en jazz, mais pour d'autres styles de musique les dessins de phrases qui fonctionnent seront probablement un peu différents.
Bien. Avec ces 2 conseils (respirations, dessin des phrases) il y a déjà de quoi bien
travailler ! À vous de vous créer des exercices progressifs pour intégrer petit à petit ces
notions et les faire ressortir dans votre jeu. Efforcez-vous de le faire d'abord sans tempo,
c'est important (oui je sais, on a envie de jouer sur un playback, je sais).
Voici maintenant une impro où j'applique ça. Ça devrait vous plaire déjà un peu plus.
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Et sur un Abm7 (mode de Ab dorien pour improviser). Le playback est ici.
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(Remarque : j'avoue que j'ai un peu triché, j'ai aussi amélioré mon placement rythmique mais on va en parler tout de suite).
Avec simplement une gamme majeure (ou un mode dorien) on peut déjà sonner bien jazz. Écoutez le morceau "Melody for C" de Sonny Clark pour avoir un exemple de thème (et d'impro!) uniquement sur la gamme majeure.
Aïe. Sujet sensible, mais fondamental !
D'abord, essayez de jouer en croches sur un des playbacks disponibles. Savoir faire ça est
indispensable. Si vous vous décalez et n'arrivez pas à garder ce débit faites-vous aider
par un professeur. Voici un exemple de ce à quoi ça doit ressembler.
Premier conseil : ne pressez pas ! Pour faire "sautiller" le morceau ou lui donner de l'énergie vous aurez peut-être le réflexe de presser un peu, c'est-à-dire de jouer trop tôt. Voici à quoi ça ressemblera si vous pressez.
C'est assez subtil mais on perçoit une instabilité assez indésirable. Pour régler ce problème,
plusieurs possibilités. En voici 2.
1) Dites-vous que vous avez le temps de jouer ces notes, détendez-vous. Jouez en vous reposant
sur le dossier de votre fauteuil, et ça ira mieux. Ne vous impliquez pas trop (physiquement et émotionnellement) dans vos phrases,
jouez-les avec insouciance et désinvolture. Si vous jouez trop lentement et que vous vous décalez de la pulsation,
pas de soucis. Il suffira juste de jouer un peu plus vite.
2) Autre approche, plus technique : essayez de tout jouer en aller-retour (des croches donc)
et de retarder le coup de médiator vers le haut, c'est-à-dire de le jouer plus tard que ce
que vous penseriez. Ce coup vers le haut correspond à la croche jouée sur le contretemps,
qu'il faut bien retarder pour que ça swingue.
Pour swinguer, ces conseils vous aideront mais le placement rythmique de la croche
du contretemps n'est pas le seul paramètre à prendre en compte.
Voici d'autres conseils en vrac :
Et une illustration où tous ces conseils sont appliqués !
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J'ai délibérément choisi d'aborder ces sujets selon un certain angle dans cette page, mais dans d'autres pages et vidéos du site j'en parle de façon un peu différente. Je pense notamment aux vidéos Les bases du jazz, Le blues mineur en jazz, La liberté rythmique dans le phrasé et à la page L'improvisation jazz. Allez donc y jeter un œil !
Une enclosure (anglicisme) désigne le fait d'entourer une note : on joue les notes qui se
trouvent autour avant d'y arriver.
Quelques exemples d'enclosures sur une même note :
On peut donc anticiper une note par celle qui est dessous, celle qui est au-dessus ou encore une
combinaison de ces deux possibilités. Et on peut faire ça diatoniquement (en restant dans la gamme)
ou chromatiquement en pensant uniquement aux demi-tons. C'est cette dernière que nous préfèrerons ici, elle
nous permettra d'amener de nouvelles couleurs.
Voici maintenant une improvisation qui contient beaucoup d'enclosures.
Pour jouer ces enclosures, pensez d'abord à la note finale de la phrase puis au
motif qui l'entoure (par exemple "½ ton plus haut, 1 ton plus bas, ½ ton plus bas" pour citer
la plus connue prisée par Charlie Parker). Passez du temps à incorporer ces enclosures à vos
phrases, ça contribuera beaucoup au son jazz.
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En guise d'illustration, voici des phrases qui contiennent ces enclosures et qui sont jouées par de grands musiciens.
Afficher les phrases repiquées des jazzman
Pour aller d'une note de notre gamme à l'autre, on peut passer par toutes les notes intermédiaires. On appelle ça des chromatismes.
Vous remarquez que je ne fais pas de chromatisme lorsque je change de corde, c'est simplement pour
simplifier les doigtés. Dans un premier temps je vous conseille de faire de même pour ne pas trop
vous compliquer la vie.
Ces chromatismes apporteront un peu de couleur à nos improvisations. Ils apporteront aussi beaucoup de
souplesse et de flou à nos phrases. C'est quelque chose qui peut être de très bon goût dans certains contextes.
Voici une impro avec beaucoup de chromatismes.
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Vous remarquerez qu'à partir du moment où on part sur des chromatismes le choix des notes est
peu important (grâce au "flou" créé) mais la note de réception doit être bien choisie. La façon
dont on commence et finit notre chromatisme est bien plus importante que le choix du moment où on
place ce chromatisme (sur un temps / sur un contretemps).
Voici des exemples de phrases chromatiques pas très bien gérées.
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Ces chromatismes et ces enclosures, c'est important de passer du temps à les incorporer à votre jeu. Mais au final (après des mois de travail méthodique donc) pensez simplement à l'idée de "sortir de la gamme" lorsque vous improvisez. Cette façon de penser les choses laisse beaucoup plus de place à la création et l'originalité. Et les enclosures et chromatismes viendront naturellement si vous avez bien bossé en amont.
Les effets contribuent beaucoup au son jazz. Les bends sont à proscrire ou à jouer très rarement
(exception pour les tous petits bends ou pour le jazz manouche). Les vibratos amples et rapides
sont aussi à éviter, on les fera plutôt très subtils (amplitude très petite) et lents, à peine perceptible donc.
Les slides peuvent être utilisés abondamment, et les liés (hammer-on et pull-off) sont aussi
conseillés. Voici des exemples de phrases où ces effets sont utilisés. Et maintenant que nous savons faire chromatismes et enclosures,
ne nous en privons pas.
Pour intégrer ces effets à votre jeu, là encore il n'y a pas de secret : passez plusieurs semaines à vous obliger à abuser d'un seul effet, pour qu'il devienne un automatisme et que la simple envie de sortir un son qui s'en rapproche vous fasse jouer cet effet.
Les contretemps sont importants et assez souvent accentués en jazz. Les contretemps ou "notes en
l'air" sont les notes jouées entre les temps (et les accents sont les notes jouées plus fortes que les autres).
Ce qu'il faut rajouter à cette affirmation, c'est que l'équilibre entre accents sur les contretemps
et accents sur les temps est très important. Voici donc un exemple de phrase qui ne respecte pas ce
conseil, et un autre oui.
Dans le premier exemple, trop de notes enchaînées sur les contretemps, trop accentuées aussi. On a
presque inévitablement tendance à presser un peu lorsqu'on joue ce rythme (c'est ce qui passe
d'ailleurs dans l'enregistrement : si on était exigeant on dirait que ça swingue comme un caramel mou).
Dans le deuxième exemple (phrase dans le style de Charlie Parker, maître de l'alternance accents
sur les temps / accents sur les contretemps) l'équilibre est plus respecté et ça swingue plus facilement.
Pour information, sachez que l'étude des thèmes de Charlie Parker est excellente pour comprendre cet équilibre
(Relaxin' at Camarillo, Billie's Bounce, Moose the Moochie, Sweedish Snapps...).
Sachez également que je parle beaucoup de ça et de toutes les "phrases Charlie Parker" dans la vidéo
Yardbird Sweet qui est consacrée à l'étude de Yardbird Suite et du style de jeu
de Charlie Parker, alias "Bird".
Et maintenant pour le plaisir deux impros ! Une sur CMaj7, une sur Abm7.
Si vous aimez le jazz et que vous souhaitez vous améliorer dans ce style, la première des choses est
d'en écouter. Si vous n'avez pas d'idées vous pouvez écouter
la playlist Jazz que
j'ai faite spécialement pour vous. Vous pouvez aussi jouer par-dessus ces morceaux, c'est un excellent exercice
même si je n'en ai pas parlé dans cette page (veillez à ne pas mettre votre volume trop fort pour bien
vous fondre dans le son du groupe).
Ensuite, retenez que pour incorporer le mieux possible ces outils à vos improvisations, la clé de
la réussite est la méthode : la régularité, la concentration, la fréquence des exercices,
la compréhension précise du but recherché. Et ça, il n'y a que vous (et votre prof) pour le faire.
Pour finir, sachez que tous ces conseils que je vous donne sont des leçons que j'ai tirées de mes
nombreux relevés analysés, des milliers de morceaux jazz que j'ai écouté et bien sûr de mon
expérience avec mes élèves. Si vous aussi vous écoutez beaucoup de jazz, relever et analyser des
solos vous permettra de comprendre encore plus de choses.
Pour une étude plus approfondie de l'improvisation jazz je vous conseille les nombreux cours vidéos que j'ai réalisé dans ce style. Je pense notamment à The autumn leaf, Le blues en jazz, Mistie (ballade), Le comping, So What... Ils sont tous listés à la page Toutes les formations.